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Wednesday 1 August 2018

LA FIN DE L’ALTRIGHT? ENTRETIEN AVEC COLIN LIDDELL

Le 25 Août 2016, alors que la campagne présidentielle Américaine battait son plein, l’ancienne première dame Hillary Clinton s’adressait à une foule démocrate réunie à Reno en Arizona pour dénoncer le soutien de l’AltRight, Alternative Right, à son concurrent Donald Trump. Ce mouvement, jusqu’alors pratiquement inconnu du grand public, se retrouvait propulsé sous les feux de la rampe, rompant avec la marginalité qui avait marqué ses débuts. Ce mouvement hétéroclite dont l’Amérique prenait conscience était une créature du web. Rassemblés autour de quelques sites et blogs, de nouveaux noms imposaient des symboles nouveaux, des idées allant à l’encontre de la pensée politique. Pour faire l’état des lieux deux ans après Reno, Colin Liddel, qui anime le site Affirmative Right auquel Rémi Tremblay collabore occasionnellement, répond à nos questions.

HARFANG – Beaucoup de choses ont été dites sur la genèse de ce que l’on nomme aujourd’hui l’Alt-Right. Étant impliqué vous-même dans cette histoire, pourriez-vous nous dire comment ce mouvement fut créé?

Colin Liddell – Cela prendrait littéralement un livre pour faire le tour de la question, mais je vais tenter de vous donner une réponse rapide. Depuis les années 60, il y a eu une purge de toute recherche intellectuelle légitime de droite dans la culture. Lors de l’élection d’Obama comme président, cette répression avait pris des proportions gigantesques, mais en même temps, l’accès à Internet atteignait une masse critique. Juste comme exemple personnel, j’avais lancé un blog pour mes vieux articles concernant la musique intitulé Revenge of Riff Raff en 2009. À ce moment, beaucoup de gens ont réalisé qu’ils pouvaient transmettre leur contenu sans aucun frais. Le problème était d’attirer l’attention et un public d’importance. Richard Spencer fut un joueur important, mais pas de la façon dont les gens le pensent. Heureusement pour cette entrevue, Richard Spencer a récemment coupé les ponts avec moi à cause de mon article ironique sur les visions s’opposant au sein de l’Alt-Right (« Two Exciting ‘Visions’ Battle for the Heart of the Alt-Right » ) Je peux donc me permettre d’être plus honnête et franc à propos de mon ancien camarade que je ne l’aurais été autrement. En 2010, Spencer était un personnage « dialectique » et « décentré » qui n’avait pas été cristallisé comme l’ennuyeux nationaliste blanc qu’il est devenu depuis. À cette époque, il était beaucoup plus enclin à permettre différents points de vue et ne s’agrippait pas au gouvernail. Par exemple, les différents auteurs liés à AlternativeRight.com, et il y en avait beaucoup, avaient directement accès au site et pouvaient donc publier sans que personne ne valide le contenu préalablement. C’est comme ça que mon controversé article sur le génocide antiBoer, « Is Black Genocide Right? » fut publié. Bien que je ne faisais qu’inverser les questions posées sur un génocie des Blancs par des gens comme Susan Sontag et Noel Ignatiev, l’article était écrit dans un style que je considère aujourd’hui plus provocateur que nécessaire. L’article fut enlevé par la suite, mais voilà un exemple du degré de liberté dont nous jouissions. La façon détachée d’éditer le site et le fait qu’il avait inventé le terme Alternative Right et son charme très « internet-génique » furent des facteurs qui permirent d’attirer une masse critique pour permettre à l’Alt-Right de devenir une « grande tente » représentant un mouvement contre-culturel attirant de nombreux grands esprits. En parallèle, d’autres gens, comme Greg Johnson, faisaient quelque chose de similaire de façon plus laborieuse.

HARFANG – Dans ses premières années, quelles étaient les principales croyances de l’Alt-Right et qui représentait ce mouvement?

Colin Liddell – Dans ces années-là, la principale croyance du mouvement était la liberté d’expression : la liberté de dire tout ce qui avait été banni du discours politique et philosophique dominant durant des années. De plus, la plupart d’entre nous étions attirés par les valeurs « verticales » comme la hiérarchie, la méritocratie, le sens du sacré, plutôt que par les valeurs horizontales comme le libéralisme hégémonique, l’égalitarisme. Mon article « Alternative Vertical » et celui, plus poussé, d’Alex Kurtagic « Equality as an Evil  » représentent bien cet état d’esprit. « Ma race blanche » n’était pas absente – et n’aurait pas dû l’être – mais ne représentait qu’un élément. L’antisémitisme obsessif ne faisait pas non plus partie de nos croyances, même si nous abordions le pouvoir juif et les intérêts de la communauté juive qui divergent des nôtres. En plus de moi, il y avait Andy Nowicki, Richard Spencer, Alex Kurtagic et Greg Johnson. D’autres voix des premiers temps étaient Jack Donovan, Matt Forney et Gwendolyn Taunton, sans oublier de mentionner ceux de la génération plus vieille comme Jared Taylor, Kevin MacDonald, Derek Turner, Jonathan Bowden, Tom Sunic, Kerry Bolton et Peter Brimelow, qui appuyaient tous le mouvement.

HARFANG – Reno fut un point tournant dans l’histoire de l’Alt-Right. Diriez-vous que ce fut une erreur de la part de Clinton ?

Colin Liddell – Nous avons ici un trou dans l’histoire, car nous n’avons pas parlé de cette période de 18 mois où Andy Nowicki et moi avons assumé le rôle d’éditeurs en chef d’AlternativeRight.com, alors que Spencer participait de moins en moins, puis la fermeture de notre site, notre tentative de le restaurer, la montée du TRS du côté des libertariens, l’appropriation du terme Alt-Right par des « Nazis d’Hollywood » louches comme Andrew Anglin et Weev et plus encore… Au moment où Clinton a fait son discours de Reno pour « alerter » l’Amérique normale du « danger » de l’Alt-Right, le mouvement avait poussé dans toutes les directions. D’un côté, il y avait les Storméristes (en référence au site Daily Stormer) et TRS (une référence au site The Right Stuff) qui s’enfonçaient dans l’obsession sur les Juifs, alors que d’un autre côté, il y avait des gens comme Milo, Paul Joseph Watson, Mike Cernovich, Stefan Molyneux, Ricky Vaughn et même Steve Bannon qui émergeaient. En quelques mots, il y avait une rébellion socioculturelle de grande ampleur à l’encontre de « politique habituelle ». L’Alt-Right devint notre bannière et Trump devint notre candidat. Spencer avait craché sur le terme en décembre 2013, mais en 2015, il affirmait l’avoir toujours aimé. Lorsqu’Hillary s’en prit à l’Alt-Right, elle visait ce large mouvement de révolte socioculturelle qui appuyait ouvertement son opposant. En gros, elle ne savait pas ce qu’elle faisait et en le faisant, elle ne fit que renforcer ce mouvement contre-culturel idéologiquement hétéroclite en lui donnant une attention dont il se nourrit.

HARFANG – Qu’est que Reno a changé pour l’Alt-Right ?

Colin Liddell – Ultimement, Reno fut mauvais pour l’AltRight, car elle fut cristallisée comme une « possession » et nous avons commencé à voir une course vers la pureté particulièrement de la part du groupe TRS. J’étais membre de leur groupe secret sur Facebook et ils lançaient des vagues d’épuration à la chaîne, attaquant des gens comme Davis Aurini, puis Matt Forney, et ensuite Roos et les Alt-Lighters (ceux qui adoptent une vision modérée), tout en entretenant des divisions avec des éléments « Nazi-tardés » comme Renegade Radio et Iron March. J’ai consommé beaucoup de popcorn à cette époque là. Quand ils ont commencé à se rapprocher de personnes qui sont clairement des agents de déstabilisation comme Anglin et Weev, j’ai commencé à avoir de sérieux doutes sur leur sagesse et leur sincérité, même si je ne peux pas m’empêcher d’aimer Enoch qui est réellement drôle. Pas comme Sven.

HARFANG – Comment qualifieriez-vous l’Alt-Right aujourd’hui?

Colin Liddell - Fucked! (NDLR: À cause des différentes interprétations possibles, la traduction n’a pas été effectuée).

HARFANG – Et en quoi l’Alt-Right actuelle diffère-t-elle de sa version 2010 ?

Colin Liddell – Dans un état pire qu’en 2010 ! Désolé d’être direct. Sur notre site, nous venons tout juste de publier un excellent article intitulé « Thoughts on the State of the Right » par James Lawrence. Il démontre le contraste entre l’Alt-Right vigoureuse, virile, en puissance, antifragile des premières années, avec l’Alt-Right de 2018, craquelée, immobile, mesquine et perpétuellement aux prises avec des luttes intestines. Tout le monde devrait lire cet article; il démontre que la personne qui a le moins compris ce qu’était l’Alt-Right est Richard Spencer. C’est trop ironique pour être drôle.

HARFANG – Dans un texte récent, vous avez proposé de changer le nom d’Alt-Right pour Affirmative Right. D’où vient ce nom et pourquoi un tel changement est-il nécessaire ?

Colin Liddell – Le changement de nom de notre site, Alternative Right (fondé la journée où Spencer avait fermé AlternativeRight.com le jour de Noël 2013), pour Affirmative Right (le lundi de Pâques 2018) est motivé par le fait que je pense que l’étiquette Alt-Right est une nuisance pour rejoindre les gens que nous souhaitons rejoindre. De plus, je crois qu’il y a des faiblesses fondamentales dans le concept d’Alt-Right. L’Affirmative Right est une tentative d’identifier ces faiblesses et d’y pallier. Le problème principal était que l’Alt-Right n’avait aucune défense face aux associations avec des mouvements qui avaient échoué comme les néo-nazis ou les nationalistes blancs 1.0 (comme on les appelle aujourd’hui, ce qui implique que l’AltRight est simplement devenu un nationalisme blanc 2.0 avec Spencer, Heimbach et Anglin remplaçant Rockwell comme figures de proue). Dès 2014, nous avons vu les dangers de telles associations et personne n’a été plus actif que moi pour faire face à cette faiblesse et je m’en suis pris à Anglin dans une série d’articles [8]. RamZPaul a aussi attaqué Anglin, tout comme Greg Johnson avant qu’il ne change son fusil d’épaule. Malheureusement, trop de gens dans l’Alt-Right ne prirent pas la menace du Stormerisme au sérieux et on invoqua le ridicule slogan de « Ne pas frapper à droite ». Anglin était en fait le lubrifiant employé par des groupes comme l’ADL et le SPLC pour remettre en question le Premier Amendement américain, comme nous l’avons vu après Charlottesville. Tout cela avait été planifié depuis des années ! En voyant cela, il est clair que l’Alt-Right a des angles morts majeurs. Elle ne parvient pas à comprendre le pouvoir moral qui, en essence, est une technique employée pour rabaisser ses opposants et son opposition, peu importe le message positif que nous ayons. De plus, la dynamique de l’Alt-Right est dictée par des NEETs (expression désignant des gens indépendants de fortune n’ayant pas besoin de travailler) et des « fundies », terme qui pour moi se réfère aux gens vivant de fonds en fiducie ou qui possèdent des plantations de coton. La domination du mouvement par des gens qui sont en état d’immaturité financière fait en sorte que le mouvement se limite à ce genre de gens. Depuis Reno et surtout depuis la folie du Heilgate de Spencer, les coûts professionnels et sociaux étant liés à l’appartenance à l’Alt-Right ont monté en flèche et peu au sein du mouvement ont considéré ça de façon sérieuse et les réactions ont été ridicules. Par exemple, au sein du TRS, on a suggéré qu’il faudrait s’employer les uns les autres et engager quiconque se faisant renvoyer de son emploi. J’aimerais les voir faire ça. Les groupes comme TRS semblent se développer comme des groupes sectaires isolés. Vont-ils évoluer comme le Traditional Workers’ Party, où une forme de culte prédomine et si oui, qui sortira de la boîte pour observer dans la fenêtre de la roulotte cette fois ? (Colin Liddell fait ici référence à une histoire pour le moins farfelue impliquant
Matthew Heimbach du Traditional Workers’ Party)

HARFANG – Pourquoi ne pas simplement abandonner le terme de « droite » ?

Colin Liddell – J’ai essayé lors de l’écriture de mon article « Alternative Vertical ». J’ai même expliqué l’origine du terme qui provient de la Révolution française, mais le terme « Alternative Vertical » ne ferait qu’ajouter de la confusion. Pour le meilleur ou pour le pire, le terme de « droite » est lié aux idées politiques et philosophiques que je mets de l’avant, bien que sur certains sujets, je sois un gauchiste.

HARFANG – Pensez-vous que l’Alt-Right et l’Affirmative Right ont encore le pouvoir d’exercer une influence marquante sur la politique américaine ?

Colin Liddell – Laissez-moi reformuler la question pour y répondre : « Pensez-vous que ceux qui mettent de l’avant des vérités éternelles en lien avec l’amélioration de l’homme et la santé et vitalité du groupe ont encore le pouvoir d’exercer une influence marquante sur la politique américaine ? » J’espère que oui. Mais sinon, nos idées vaincront quand l’Amérique mourra.

Traduit par Rémi Tremblay
Publié sur Harfang

Version anglaise ici

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